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Retour sur la page d'accueil du blogPublié le Thu 09 Nov 2017

L'ergonome et l'automatisation

Le blog Ergopurmalt a publié un article le 16 octobre 2017 commentant un reportage de France 5 sur l’automatisation, l’essor des robots et la disparition progressive du travail. Vous pouvez retrouver et lire cet article via ce lien : Voir et discuter un monde sans travail : quid de l'ergonomie.

Le point de vue d’Ergopurmalt (je ne sais pas qui écrit sur ce blog) est que les robots ne pourront jamais combler totalement le travail réel, que des dysfonctionnements surviendront, nécessitant l’intervention humaine. Puis d’argumenter que, même si le travail disparaissait, il y aurait toujours de l’activité, sujet quasiment inépuisable pour le travail des ergonomes.

Je suis fondamentalement en désaccord.

Sur l’impact de l’automatisation

La vague d’automatisation, qui est déjà largement entamée, menace effectivement le travail de nombreux salariés, et plus seulement ceux de la classe ouvrière. Nous avons des exemples de robots capables, entre autres, de générer du code informatique tel un développeur. Les robots n’entraînent pas la disparition complète du travail, mais sa raréfaction. Par ailleurs, le travail restant mute, la tâche principale devenant la surveillance de ce que font les robots, et non plus la production en tant que telle.

De plus, l’application de l’automatisation n’est pas le fait des ingénieurs, mais celui des managers. Contrairement à la pensée communément répandue, la puissance de l’automatisation, son intérêt premier, ne réside pas dans sa faculté à produire, mais plutôt à éliminer les variabilités intrinsèques à l’opérateur humain (y compris les variabilités sociales) et ainsi supprimer une grande partie des enjeux de pouvoir au sein des organisations de travail, ou de les appauvrir de façon à ce qu’il n’y ait plus débat sur l’activité. Dit autrement, ce qui compte n’est pas tant le produit final, que le fait de pouvoir produire tout le temps la même chose (absence de variabilité).

L’autre aspect très important que porte l’automatisation est la perte de responsabilité. Un robot n’a pas de conscience, il ne peut pas se sentir responsable de l’échec de l’organisation du travail, ce qui fait que les systèmes fortement automatisés peuvent mener plus facilement et plus rapidement à ce que j’appelle des « ruptures de système » (plus rien ne fonctionne, tout s’arrête). L’exemple du travail du guichetier à La Poste donné par Ergopurmalt est pertinent. En effet, une simple analyse ergonomique révélerait que cette personne a une activité beaucoup plus riche que le simple tamponnage de timbres. Mais, là où je ne suis pas Ergopurmalt, c’est dans la vision que les fonctions supportées uniquement par l’opérateur humain seront maintenues : « gestion de file d’attente », « orientation des usagers », « correction des erreurs d’affranchissement »… etc. Pourquoi une personne agit de manière plus large que les tâches qui lui sont prescrites ? Parce qu’elle ne veut pas se sentir responsable de l’échec du système. La capacité des personnes à sortir du prescrit est d’ailleurs une variabilité en soi. Or, il est tout à fait possible de se défausser de cette responsabilité sur les usagers ! Vous n’avez qu’à trouver le bon tarif pour votre lettre, sinon elle ne sera jamais envoyée. Vous n’avez qu’à trouver vous-même la file qui correspond au service que vous recherchez.

Sur l’avenir des ergonomes

Le point de vue selon lequel l’ergonome se repose sur l’activité humaine me paraît franchement irréaliste. Oui, l’ergonomie peut être appliquée à des domaines extrêmement variés. Mais, non, dans la réalité, elle ne se développe pas dans tous les domaines. Selon moi, cette croyance du développement inaltérable de l’ergonomie vient de la confusion entre le « besoin » et le « marché ». Les besoins en ergonomie sont réels, mais le marché pour les ergonomes est encore très restreint.

Je n’ai pas de boule de cristal, mais je ne suis pas sûr que l’ergonome survive à une raréfaction du travail, telle que l’apporte l’automatisation. Nous aurons la réponse dans les dix années qui arrivent.

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